
Aux dépens de tout, même de notre pain quotidien et contre tout bon sens, les conflits politiques et autres continuent de s’aggraver et de détruire notre économie et d’empoisonner la vie de notre pays. Que dire alors s’ils sont en train de se dérouler au sommet du pouvoir.
Le clash qui entraîna la semaine dernière la dissolution du Parlement, déjà dissous dans les faits, depuis le 13 décembre (élections législatives anticipées annoncées) est venu, en effet jeter l’huile sur le feu. Un choc survenu en pleins pourparlers avec les représentants du FMI, en vue d’une bouffée d’oxygène pour les finances publiques, dont l’état est plus que critique et qui risque de paralyser tout le pays, si l’institution de Bretton Woods tarde à nous apporter son soutien.
En plus de ses conséquences néfastes directes sur l’image du pays, ladite décision, prise par le pouvoir de fait à Carthage, selon lui en vertu de la Constitution (abrogée de fait), va hélas augmenter la pression interne et aussi celle due à l’extérieur. Evoquant avec naïveté et à tour de bras la souveraineté du pays, Saïed a ainsi permis aux puissances étrangères de s’immiscer encore plus dans nos affaires internes et à nous dicter leurs volontés. L’acceptation par le gouvernement des douloureux diktats du FMI, fortement décriée par les forces sociales, a démontré, sans équivoque, que le locataire de Carthage veut sauver son fauteuil, non le pays.
La Constitution explique pourtant, avec précision, les deux seuls cas pouvant conduire à la dissolution du Parlement (Art. 89 et Art.99) et l’article 72, évoqué par Saïed pour justifier sa décision (inclus, pourtant dans un chapitre suspendu), confère, il est vrai, au président le symbole de l’unité de l’Etat mais l’oblige en même temps à respecter la constitution (Sic). Et l’unité de l’Etat c’est aussi le fonctionnement de tous ses rouages et non leur paralysie.
Ladite décision, qui semble être le résultat d’un règlement de comptes, est venue compliquer encore plus la situation juridique du pouvoir. Elle a, par ailleurs, démontré que la vie politique est devenue, chez nous, le jeu du chat et de la souris aux dépens, hélas, de l’intérêt suprême du pays et de l’avenir des générations futures. Et chose grave, elle a été suivie d’accusations à l’encontre d’une majorité de députés qui risquent de lourdes conséquences pénales.
Sans aucun mécanisme de contrôle et de reddition des comptes, nous vivons, hélas, aujourd’hui sous un régime d’exception dirigé par un pouvoir de fait, qui s’est imposé par la force, qui s’est adjugé tous les pouvoirs et qui se donne le droit d’exclure de la vie publique qui il veut et de taxer de traîtres et de comploteurs tous ceux qui refusent d’accepter ses caprices.
Le locataire de Carthage, qui ne cesse de marteler que nul n’est au-dessus de la loi, est le premier à la violer et il a, hélas, entraîné notre pays dans une aventure dont personne ne peut prédire les conséquences et qui actuellement nous a beaucoup nui, et ce, depuis son élection en octobre 2019. Aventure qui a participé, à ses débuts, d’une manière décisive à la débâcle économique et financière due à la gestion catastrophique du dossier du coronavirus, dès début mars 2020.
Inutile de rappeler, ici, qu’il avait débarqué à Carthage avec la ferme volonté de changer le système politique, défini par une constitution, celle de 2014 qu’il avait juré de respecter et qu’il a abrogée le 25 juillet dernier avec la ferme intention de la remplacer par une autre. Pour lui, ladite constitution a été taillée, par eux (qui ?), sur mesure, (alors qu’elle aurait dû être taillée sur ses mesures à lui).
Il avait débarqué aussi avec le désir impétueux de concrétiser son projet de soi-disant démocratie à la base (des slogans et des idées fixes). Et au lieu de respecter ladite loi fondamentale qui lui confère de puissantes prérogatives (présidence du Conseil de la sécurité nationale et présidence du Conseil des ministres chaque fois qu’il en a envie, etc.) et de les utiliser pour assainir la vie publique infecte, il avait, dès sa prise de fonction, créé moult conflits.
Ceux avec la seconde tête de l’exécutif et ceux avec le pouvoir législatif, avec les partis, les médias publics, les associations défendant les droits de l’homme et autres. Pour enfin violer la Constitution, en tordant le cou à l’article 80 (suspension du Parlement et dissolution du gouvernement) et en suspendant les chapitres organisant les pouvoirs puis en s’adjugeant tous les pouvoirs, à l’aide du fameux texte du 22 septembre.
Conflits totalement inutiles, très coûteux, contre les dispositions constitutionnelles et qui sont venus s’ajouter à ceux à caractère politique et idéologique déjà existants. Résultat, un Etat en lambeaux, réduit à un gouvernement, lui-même réduit en une simple administration, alors que le pays a besoin de toutes ses possibilités et toutes ses potentialités.
Or, le fameux article 80 de la Constitution sur lequel il a prétendu s’appuyer a été conçu dans l’esprit et la lettre pour mobiliser toutes les structures de l’Etat afin de faire face à un danger imminent et non à suspendre leurs activités ou les dissoudre. Au lieu d’avoir un commandant de bord avec de bons seconds et un équipage motivé et bien positionné, le bateau Tunisie a eu droit à un seul homme à bord.
Cela doit s’arrêter. Et le plus tôt sera le mieux. Des élections législatives et présidentielles (et non législatives seulement, car Saïed fait partie du problème) doivent donc être organisées le plus tôt possible, précédées, bien sûr d’une réforme du Code électoral, déjà bien mijotée. L’actuel ayant démontré qu’il est catastrophique.
C’est aux nouveaux pouvoirs élus de procéder alors aux éventuels amendements de la Constitution et de les soumettre, ensuite à un référendum. Il est totalement insensé et même illégal d’organiser un référendum, quel que soit son enjeu, sous l’état d’exception, par un pouvoir de fait, détenant tous les pouvoirs.